Darpa, Google et Facebook ne sont pas les seules entreprises à vouloir faire de l’artificielle une réalité : Ne prenez pas cela comme une chose existentielle – Quand l’esclave est enfermé, il ne voit pas les murs de sa prison, il se croit libre.
ElonMusk s’attaque à une nouvelle frontière : l’amélioration de l’être humain. Avec sa nouvelle entreprise, Neuralink, il a pour objectif de créer des interfaces homme-machine qui permettraient, à terme, de renforcer nos capacités cognitives en agissant directement sur notre cerveau. Un mouvement de plus dans le conflit de basse intensité autour de l’intelligence artificielle au sein de la SiliconValley, qui risque bien d’avoir des conséquences sur l’avenir de l’humanité.
Elon Musk fascine. Le patron de Tesla et de Space X s’est imposé ses dernières années comme l’incarnation de l’entrepreneur innovateur de la Silicon Valley, quelque par entre Tony Stark (Iron Man) et Henry Ford. Ses marottes, qui vont de la voiture électrique à la conquête spatiale en passant par Hyperloop, le train du futur, visent, selon l’adage répandu chez les géants du numérique, à « faire du monde un endroit meilleur ». Et cela passe aussi, a-t-on appris hier dans le Wall Street Journal, par une entreprise dédiée à la création d’une ou plusieurs interfaces homme-machine. Neuralink, c’est son nom, aura pour objectif d’augmenter nos capacités cognitives par le biais d’implants dans nos cerveaux.
Des « cordons cérébraux » pour relier nos cerveaux à un ordinateur
L’information a fait l’effet d’un (petit) tremblement de terre dans la Silicon Valley. Si aucun détail n’est donné sur Neuralink, son but avait déjà été énoncé par Elon Musk. Depuis plusieurs années, l’entrepreneur évoque le développement de « cordons cérébraux » (« neural laces »), qui auraient pour objectif d’augmenter la capacité de nos cerveaux.
Pour Laurent Alexandre, entrepreneur et auteur de La Mort de la mort, « l’idée est de faire passer les dispositifs par les vaisseaux du cou, de manière à ne pas ouvrir la boîte crânienne. » Ces dispositifs sont « destinés à aller se coller entre les neurones et les vaisseaux de façon à doper les neurones, et à permettre l’accès à des bases de données ou au cloud. »
« Pour lui, le scénario de fusion entre l’homme et la machine est la seule solution »
En grand stratège, Elon Musk ne laisse pas filtrer l’information par hasard. Dans l’édition d’avril du magazine Vanity Fair, la journaliste Maureen Dowd décortique la position du patron de Tesla par rapport au développement de l’intelligence artificielle (IA). Une enquête à la lecture de laquelle on comprend que l’entrepreneur n’est pas contre, mais souhaite éviter que l’humanité ne devienne l’esclave d’une intelligence artificielle forte.
Laurent Alexandre abonde en ce sens : « Pour gagner la bataille des voitures autonomes, Elon Musk doit faire de l’intelligence artificielle. En réalité, il fait partie du courant singulariste. Pour lui, le scénario de fusion entre l’homme et la machine est la seule solution. Il pense qu’il n’y a pas d’issue avec un cerveau neuronal : seul un cerveau mixte pourra survivre. Mais ça va être sportif ».
Connecter ses neurones à Internet dans 5 ans ?
En tant que représentant archétypal de la Silicon Valley et de son « solutionnisme technologique » permanent, Elon Musk évoquait déjà auprès de la journaliste de Vanity Fair ces fameux « cordons neuronaux » : « Nous sommes déjà des cyborgs. Votre téléphone ou votre ordinateur son des extensions de vous-mêmes, mais les interfaces (vos doigts ou votre voix) sont très lentes. » Avant de préciser que ces interfaces d’un nouveau genre verront le jour d’ici quatre ou cinq ans.
«Vous connaissez ces histoires où le mec avec un pentagramme et de l’eau bénite se dit qu’il pourra tranquillement contrôler le démon. Ca fonctionne jamais »
Laurent Alexandre, qui a racheté en 2010 la société de séquençage ADN DNAVision est plus prudent : « Cela risque d’être un peu plus long, il va falloir patienter. Pour autant, je pense qu’il n’y pas de complexité irréductible du cerveau. L’ordinateur humain est compliqué, mais on a mis très peu de moyens par rapport à la complexité du sujet. Ce n’est pas une complexité plus irréductible que le séquençage ADN dont on a dit qu’il était impossible dans les années 90, alors que l’on manquait simplement de puissance informatique. »
« Contrôler le démon » de l’intelligence artificielle
Mais selon l’expression d’Elon Musk, les petits génies qui travaillent sur le développement de l’intelligence artificielle « invoquent le démon ». Et c’est contre lui qu’il part en « croisade », selon l’expression de l’un de ses amis rapportée par Maureen Dowd. « Vous connaissez ces histoires où le mec avec un pentagramme et de l’eau bénite se dit qu’il pourra tranquillement contrôler le démon. Ca fonctionne jamais. », déclarait-il au MIT en 2014.
Neuralink apparaît comme la solution de l’icône de la Silicon Valley pour lutter contre ce démon . Pour Laurent Alexandre, cela ne fait aucun doute : « La première application de son projet, c’est la défense face à l’intelligence artificielle. Pour Musk, on est forcément dans une thématique d’augmentation. Les gens vont être submergés par le « datanami », le tsunami de data. Et une société dans laquelle 90 % des gens ne sont pas compétitifs face à l’IA est une société qui explose très rapidement. Elon Musk veut éviter cela. »
Evoquant ses rapports avec le patron de Google Larry Page, zélote du développement de l’intelligence artificelle, Elon Musk confie à Vanity Fair : « J’ai eu plusieurs conversations avec Larry sur l’IA et la robotique. Il y a beaucoup de futurologues qui, comme lui, ressentent une forme d’inéluctabilité, ou même de fatalisme, quand on en vient aux robots. Nous n’aurions qu’un rôle périphérique dans l’avènement d’une super-intelligence numérique. »
Avec Neuralink, le patron de Tesla se dote donc d’une arme face aux ambitions démesurées de ses coreligionnaires de San Francisco. A Vanity Fair, il laissait d’ailleurs entendre qu’il se voit comme le rempart dont l’humanité a besoin : « Quand l’empereur est Marc-Aurèle, c’est fantastique. C’est moins bien quand l’empereur est Caligula ».
Image à la une : capture d’écran de la série Black Mirror, saison 3, épisode 2.
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